Langue d’enseignement – NI LE FRANÇAIS, NI L’ANGLAIS, LA LANGUE MATERNELLE
- Sabih Yaïci
- 8 août 2020
- 2 min de lecture
Je ne comprends pas que l’on débatte encore de la langue d’enseignement. C’est connu de tous que si on veut éduquer un enfant, on lui enseigne avec sa langue maternelle. Si on veut coloniser une société et détruire sa culture, on lui impose une langue étrangère. En Algérie, non seulement, qu’on n’enseigne pas avec la langue maternelle de l’enfant, pire encore, on enseigne avec une langue qui n’a pas de pays. La langue arabe qui est utilisée à l’école n’est parlée par aucune société au monde… c’est le vide…
On doit enseigner avec la langue maternelle de l’enfant, c’est non négociable en Éducation, c’est un pilier de celle-ci. L’Algérie n’a pas le choix : elle doit avoir plusieurs langues d’enseignement de l’école primaire à l’école secondaire selon les régions du pays, en oranais, en kabyle, en chaouis… Chaque académie d’une région aura sa langue première et des langues secondes. Toutefois, toutes les langues parlées en Algérie ont une même grammaire. C’est la grammaire de la langue amazighe, si on a alors un souci réel d’unité nationale, utilisons l’écriture et la grammaire développées par les kabyles depuis plus d’un siècle, Tamɛamerit.
Exemple(1) :
Je veux apprendre à l’école avec la langue de ma mère et de mon père.
En kabyle on écrira : Bɣiɣ ad lemdeɣ s tutlayt n yema d baba deg uɣerbaz (di lakul).
En algérois on écrira : Bɣit (ḥabit) neqra b luɣet yema u baba fi lakul.
Une langue est plus qu’un moyen de communication entre les humains, elle est le matériau avec lequel on construit dans notre cerveau une idée, une pensée, une action aussi rudimentaire soit-elle, en quelques mots une langue est une façon de vivre. Un Kabyle pense et vit en taqbaylit, un Oranais en oranais, un Haggar en tahaggart, un Chaoui en tacawit… Un enfant apprend à communiquer et à penser avec sa langue maternelle dans ses premières années. Comme tous les enfants normaux du monde, l’enfant fait des progrès extraordinaires sur le plan cognitif, le plan affectif et sur le plan de la motricité… Il passe d’une personne complètement dépendante, qui n’est même pas capable de se nourrir, à une personne autonome apte à accomplir des tâches humaines universelles et d’autres culturelles propres à sa communauté. À cinq ans ou à six ans, en plein boom intellectuel, l’enfant, qui a construit toute son savoir-faire avec sa langue maternelle, est appelé à laisser de côté tout cela à l’école algérienne et recommencer une nouvelle fois avec une autre langue imposée. Imaginez le choc psychologique que vit l’enfant. Remettre en question ce que ses parents lui ont appris. Au nom de quel droit, peut-on faire vivre cela à un enfant de cinq ou six ans ? Quelle perte de temps? Quel gâchis?
Nous, qui avons changé de pays, nous avons vu des hommes et des femmes qui sont retournés chez eux faute de n’avoir pu s’adapter à la société d’accueil. L’école doit conforter l’enfant dans sa propre culture et lui permettre de la consolider pour qu’il puisse construire sa personnalité authentique et par la suite lui faire découvrir d’autres horizons. L’école doit parler la même langue que sa communauté.
À suivre…
Sabih Yaïci
Enseignant des mathématiques
(1) J’ai utilisé le kabyle et l’algérois, car ce sont les deux seules langues de l’Algérie que je parle.
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