top of page
Rechercher

L’ÉDUCATION À L’HEURE DES I-PHONES ET DES TABLETTES (3)

  • Photo du rédacteur: Sabih Yaïci
    Sabih Yaïci
  • 19 mars 2018
  • 3 min de lecture


LA LANGUE MATERNELLE

Jusqu’à nos jours, chaque fois que je pense à ma première école, je suis aussitôt en colère, vous ne pouvez imaginer à quel point je haïssais l’école à mes débuts. Replaçons les choses : imaginez un enfant de six ans, qui ne parle que le kabyle, qui vit à Alger, qui se présente pour la première fois à l’école où tout le monde parle tantôt une langue algérienne populaire dont il comprend les quelques mots qui ressemblent à sa langue kabyle, et tantôt la langue arabe classique dont il ne comprend rien. Dans son milieu familial, il était un enfant intelligent, vif, expressif et joyeux ; dans cette école, il était obtus, muet, ennuyé et malheureux. Le comble, à la fin de chaque trimestre de l’année scolaire, on lui précisait par écrit qu’il était classé parmi les 3 ou 4 dernières places de sa classe de 43 élèves en termes de résultats scolaires. Ce que j’ai décrit précédemment, on ne me l’a pas raconté ; je l’ai vécu et pourtant à la fin de mes études primaires, l’enfant obtus que j’étais à mes débuts est devenu l’un des plus brillants de son école au jugement de ses enseignants et de ses pairs. Combien d’enfants ont renoncé d’être intelligents à l’école algérienne ou plutôt ont nié d’être intelligents sous l’effet de la torture psychologique de cette même école parce qu’ils sont Kabyles ? Être un enfant kabyle en Algérie est-il synonyme d’enfant étranger ? Imaginez un enfant kabyle avec un problème particulier comme la dyslexie* ou la dysphasie** dans l’école algérienne : quel avenir aura-t-il ? Répondre à toutes ces questions vous rendrait, sans doute, en colère comme moi.


Une langue en plus d’être un moyen de communication entre les humains, elle est aussi le matériau avec lequel on construit dans notre cerveau une idée, une pensée, une action aussi rudimentaire soit-elle. Un Kabyle pense en kabyle, un Arabe en arabe, un Français en français, un Anglais en anglais… Un enfant kabyle apprend à communiquer et à penser en kabyle dans ses premières années. Il a alors toute une équipe d’enseignants personnels dévoués qui se relient continuellement et qui sont tous les membres de sa famille, ils ne laisseront jamais seul sauf à l’école. Comme tous les enfants normaux du monde, l’enfant kabyle fait des progrès extraordinaires sur le plan cognitif, le plan affectif et sur le plan de la motricité… Il passe d’une personne complètement dépendante, qui n’est même pas capable de se nourrir, à une personne autonome apte à accomplir des tâches humaines universelles et d’autres culturelles propres à sa communauté. À six ans, en plein boom intellectuel, l’enfant kabyle, qui a construit toute son entreprise en matériaux kabyles, se présente à l’école algérienne pour agrandir, diversifier et perfectionner son entreprise en d’autres termes pour la rendre un empire. Alors, on lui dit stop! Ton matériau de base, le kabyle, ne fonctionne pas ici, ton entreprise n’existe pas ici, il faut que tu l’abandonnes et que tu recommences une nouvelle fois. Au nom de quel droit, peut-on faire vivre cela à un enfant de six ans ? Nous, qui avons changé de pays ou de continents, nous avons vu des hommes et des femmes aguerris qui sont retournés chez eux faute de n’avoir pu s’adapter à la société d’accueil. L’école doit conforter l’enfant dans sa propre culture et lui permettre de la consolider pour qu’il puisse construire sa personnalité authentique et par la suite lui faire découvrir d’autres horizons.


Par ailleurs, comment l’école algérienne qui est censée éduquer, poursuivre donc le cheminement des parents kabyles qui, comme tous les parents du monde, apprennent à leurs enfants à identifier dans un premier temps leurs proches (tentes, oncles, grands parents, arrières grands parents…) et par la suite à développer une relation privilégiée avec eux qu’ils soient vivants ou pas. Or, l’école algérienne non seulement elle ne parle pas des aïeux de l’enfant kabyle; pire encore, elle va lui inventer d’autres qui ont peut-être même tué ses vrais aïeux, elle veut le rendre un orphelin historique malgré lui.


À suivre...

*La dyslexie est un trouble d’apprentissage spécifique qui est causé par un désordre neurologique. Elle se traduit par des difficultés de reconnaissance et d’orthographie des mots chez l’enfant [3].


**La dysphasie est un trouble primaire du langage qui entraîne des limitations importantes et persistantes sur le plan de l’expression orale (prononciation, élocution, utilisation des mots, construction des phrases, etc.), elle est donc un trouble neurologique [4].


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[3] http://www.dyslexiechantallegault.com/dyslexie.html

[4] http://aqnp.ca/documentation/developpemental/dysphasie/, Site Internet de l’association québécoise des neuropsychologues.

 
 
 

Comments


Inscrivez-vous à notre site

© 2018 by Libre Plume with Wix.com

bottom of page