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L’ÉDUCATION À L’HEURE DES I-PHONES ET DES TABLETTES* (1)

  • Photo du rédacteur: Sabih Yaïci
    Sabih Yaïci
  • 18 mars 2018
  • 5 min de lecture

Ce texte a été destiné à l’appel à contribution pour un livre collectif sur la Kabylie lancé en 2014 par Karim Akouche. Il a été achevé à la fin du mois de décembre 2014. Il comporte une partie qui critique la réforme pédagogique du Québec (Canada) et il arrive à certains regards aux mêmes conclusions qu’un rapport d’un universitaire d’ici qui est sorti dans les premiers mois de l’année 2015 et qui a largement fait la une des médias québécois. Dans ce texte, je parle de l’enfant kabyle seulement, car j’en fus un mais j’imagine qu’il peut s’appliquer aussi à l’enfant chaoui, rifi, chelhi, chenoui …



AVANT PROPOS

Au début, je voulais écrire un texte qui traite de l’influence des technologies de l’information et de la communication sur l’enseignement en général et celui de la langue amazighe en particulier. Toutefois, à l’écriture des premières phrases, des souvenirs de mes premières classes ont commencé à surgir, ce qui a modifié considérablement mon plan initial. Je me suis mis alors à écrire sur l’école où on éduque l’enfant kabyle et je me suis lancé le défi d’écrire un texte qui s’adresse aussi bien aux acteurs de l’éducation soucieux du bienêtre de l’enfant qu’aux parents de tous les horizons.

Ce texte est plus un essai qui parle de l’éducation : il est tantôt vulgarisateur de certaines notions du milieu de l’éducation, tantôt critique de certaines pratiques de ce milieu. Il est loin d’être un article scientifique malgré qu’il se base à certaines sections sur des études scientifiques.


INTRODUCTION

En Occident, dans le milieu de l’éducation, il y a quelques acteurs qui remettent en cause l’enseignement de l’écriture cursive, l’écriture en lettres attachées, qui se fait en général à la deuxième année de l’enseignement primaire. Ils prétendent que cela complique plus l’apprentissage de la langue qui est déjà un processus long et complexe. Je ne veux surtout pas me lancer dans un tel débat. N’étant pas un spécialiste de l’enseignement des langues dans un premier temps, je ne crois pas qu’on soit rendu à se questionner sur ce genre de problématique en Kabylie dans un second temps. Je veux cependant qu’on se questionne collectivement comment on est arrivé à accepter que nos enfants, qui naissent kabyles et apprennent le kabyle dans leurs premières années, soient envoyés à l’école où l’enseignement est dispensé en langue arabe ou en langue française que nos enfants ne comprennent pas et qu’on s’étonne par la suite des difficultés qu’ils rencontrent tout au long de leur scolarisation. Si on me demandait de qualifier cet état des pratiques qui demeure jusqu’à présent en Kabylie, je dirai que c’est un carnage pédagogique, car on enseigne à des élèves de six ans avec une langue qui ne connaissent pas. Je ne soulève même pas ici le droit de chacun de naître, de se développer, de se construire, de jouir, de pleurer, de crier et tout simplement de vivre dans sa langue maternelle.


Revenons à mon titre qui met l’accent sur les technologies de l’information et de la communication « les TIC », car ces dernières ont modifié et modifient encore notre façon d’enseigner : à chaque fois qu’un enseignant les utilise, il transforme une partie du contenu enseigné. Je crois que les gens commencent justement à remettre en cause l’utilité de l’écriture cursive à cause des TIC. Toutefois mon souci est ailleurs, il est en Kabylie. Je veux qu’on regarde brièvement l’écriture de la langue amazighe qui demeure une chose relativement nouvelle pour les Amazighs et qu’on ait en tête ses perspectives de développement aux regards des TIC : est-ce qu’il faut la confiner dans une écriture authentique comme le tifinagh qui malheureusement n’a pas suivi le développement qu’ont connu les autres langues ou prendre une écriture proche de nous et utilisée par le monde développé ? Le choix de nos premiers linguistes a été l’écriture avec les lettres latines au lieu des lettres en tifinagh. Aujourd’hui, je trouve ce choix judicieux et pertinent, il nous permet d’entrevoir l’enseignement de notre langue avec toutes les technologies qui existent en Occident sans grande modification de celles-ci. Et, il permet déjà à tous les Amazighs de communiquer facilement entre-eux dans leur langue avec toutes ces TIC qui ont envahi notre vie quotidienne. Cela devra clore le débat sur le choix des lettres pour le moment.


Toutefois, permettez-moi d’ouvrir une petite parenthèse par rapport à un certain complexe qu’ont certains de nous à l’utilisation des lettres latines. Je crois que je n’ai pas besoin de citer des références bibliographiques pour justifier ce qui suit : les lettres latines nous appartiennent en partie tout comme nous avons contribué de très près à la culture latine et occidentale. Nous sommes des Méditerranéens et de tout temps nous avons été des acteurs actifs du progrès autour de nous, Juba II, Apulée, Saint-Augustin, Ibn-Khaldun… en sont les témoins.


Permettez-moi alors de corriger de façon succincte, mais avec la rigueur de la science, cette appellation inappropriée des chiffres modernes (0, 1, 2, 3, 4 …) que les Occidentaux appellent les chiffres arabes, que les Arabes n’utilisent même pas. De nos jours encore, ils utilisent les chiffres indiens qu’ils ont adoptés et adaptés à travers les siècles. La figure 1 a été tirée d’un ouvrage sur l’histoire des chiffres qui est considéré comme une référence importante au monde dans ce domaine, l’histoire des mathématiques. Elle nous montre l’évolution de l’écriture des symboles utilisés pour les chiffres dans les ouvrages scientifiques publiés au moyen orient à partir du 10e siècle. On voit clairement qu’il s’agit bien des chiffres indiens ou à la limite qu’on pourrait appeler indo-arabes s’ils s’entendent là-dessus... D’après ce tableau synthèse, il n y avait aucune trace des chiffres modernes au moyen orient.

Figure 1 : les chiffres utilisés par les Arabes [1].


Cependant, si on regarde la figure 2 qui est un tableau synthèse de l’évolution de l’écriture des symboles utilisés pour les chiffres dans les ouvrages scientifiques réalisés en Afrique du Nord, Tamazga, à partir du 13e siècle, nous reconnaissons avec aisance les chiffres modernes. Ils sont donc bien des chiffres amazighs pour la simple raison qu’ils sont l’œuvre de mathématiciens amazighs. Bien sûr, nous ne remettons pas en cause le fait qu’ils ont été développés à partir des chiffres indiens.


Figure 2 : les chiffres utilisés en Afrique du Nord [1].


Revenons maintenant un peu plus en arrière dans le temps pour voir comment ces chiffres amazighs ont été introduits en Europe. Il y a deux thèses, qui sont à mon humble avis complémentaires, sur la façon que les nombres amazighs ont été introduits en Europe par les Amazighs : la première, revient au mathématicien Gerbert d’Aurillac, qui est plus connu sous son nom de pape : Sylvestre II, qui a étudié en Catalogne (Espagne) les mathématiques introduites par les scientifiques amazighs de l’époque [1] et la deuxième, revient au mathématicien italien Léonardo Fibonacci qui a eu des professeurs amazighs à Bgayet (Bougie en Algérie) où il a fait sa scolarité [2]. J’ai bien écrit que le célèbre mathématicien Léonardo Fibonacci a été formé à BGAYET, ce fait c’est lui-même qui l’a rapporté dans son livre.


Gerbert d’Aurillac est l’auteur de plusieurs ouvrages de mathématiques : Libellus de numerorum divisione, Regulae de divisionibus, Libellus multiplicationum … où il utilise les chiffres modernes à partir de l’année 970, cependant on dit qu’il n’y avait pas encore de zéro dans son système de numération. Léonardo Fibonacci utilise les nombres modernes dans son livre Liber abbaci (Le livre des calculs) parue en 1202, on écrit que c’est cet ouvrage qui a convaincu plusieurs mathématiciens européens de délaisser les chiffres romains pour ceux de nos ancêtres amazighs. On ne doit avoir aucun complexe à l’utilisation des lettres latines, car il y a un peu de nous dans ce que nous prenons.


À suivre

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] Georges Ifrah, Histoire universelle des chiffres, Éditions Robert Laffont, Paris1994.

[2] http://www.mcs.surrey.ac.uk/Personal/R.Knott/Fibonacci/fibBio.html, Site Internet de Ron Knott, University of Surrey, Grande-Bretagne.


*Ce texte a été déjà publié sur le site du Matin d'Algérie.

 
 
 

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